Le Vé

 

On prétend qu'en notre ascendance

En amont d'un vallon, gravé

Par la main de la Providence

Certain bas dos s'ornait d'un Vé

La plupart du temps invisible,

Car pudique il reste caché

Il est d'un charme irrésistible

Quand le voile aux pieds s'est couché.

C'est un clignement, un sourire,

Un appel aimable et discret :

"Viens" et pour lui mon coeur soupire

Quand il m'a livré son secret.

-

Cette vibrante initiale

Est la marque de qualité.

Elle dresse la Verticale

Emblème de la dignité.

C'est la Volonté, la Vaillance

Qui distinguent les courageux.

L'infatigable Vigilance

Des hommes consciencieux.

Elle est entre les mains du maître

Le sigle de Virilité,

C'est encor la première lettre

De la blanche Virginité.

Elle prélude à la caresse

De l'éphémère Volupté.

Nue aussi peu qu'elle apparaisse

Elle en cap, sort la Vérité.

C'est la Veine et son abondance

Le Vin et sa douce gaieté

C'est la Vie et son espérance

La grâce avec la Vénusté.

Je sais bien pour être sincère

Que le Vé n'est pas que Vertu,

Qu'il est Vice aussi que Vipère

Il darde son bident pointu.

Le Vol, le Viol, la Virulence,

La Violence, la Vétusté

Hélas y trouvent audience

Regrettable Versatilité.

Mais ce qui en fait sa grande gloire

Et rachète tous ses péchés

C'est qu'il a signé la Victoire

A qui ses bras sont accrochés.

-

Geneviève, quelle opulence

Pour le moins en possède trois,

Ce trio marquera sa chance.

Le premier est au bon endroit

Les deux autre sont solidaires.

Ce sont les lettres de son prénom

Arrière grand-mère et grand-mère

Ont illustré ce même nom.

Mais le Vé gravé d'où l'a-t-elle ?

Sa mère le porte, on le sait !

Mais de qui ? Ligne paternelle ?

Est-ce par l'autre qu'il passait ?

Il m'apparaît qu'il faudrait faire

Pour répondre à cette question

A défaut d'un plein inventaire

Un brève investigation.

Mission délicate et subtile !

Mais je vais vous dire comment

Ce travail devient inutile

C'est un simple raisonnement !

-

C'est un ornement féminin

Et je vous en donne la preuve :

S'il devait être masculin

Pour que sa grâce nous émeuve

Sans aucun doute eût-il fallu

Pouvoir le voir : bien difficile

Sur une aire brune, dure et velue,

Rebelle à sa trace fragile

Personne n'en aurait rien su

Et croyez vous que la Nature

Dont l'acte est toujours bien conçu

Eût inventé cette parure

Pour un insipide bas dos

Sans arrondi, sans éloquence,

Sans grâce ? Non ! Un tel cadeau

Eût été sans efficience.

-

Ne vous ai-je pas convaincu ?

Pour forcer le doute suprême,

Devrais-je vous offrir, vaincu,

Moyen de juger par vous même ?

-

Et quand derrière les rideaux

Vous découvririez la gravure

Sur des centaines de bas dos

Pourriez-vous sûrement conclure ?

Alors, ma foi, restons en là !

Qu'importe, après tout, l'origine

De ce signe au bas de l'échine ?

Admirons le quand elle l'a !

---

 

 

 

 

1 9 1 8

 

Tant de braves soldats sont morts

Pour donner la paix éternelle

Que nous devons être forts

Pour éviter qu'elle chancelle.

 

Pour donner la paix éternelle

Ferons-nous taire nos passions ?

Pour éviter qu'elle chancelle

Oublierons-nous nos dissensions ?

 

Ferons-nous taire nos passions,

Etranglerons-nous cette haine,

Oublierons-nous nos dissensions

Dans un acte de foi sereine ?

 

Etranglerons-nous cette haine

Faites des plus vils intérêts,

Dans un acte de foi sereine

Saurons-nous sortir de ses rets ?

 

Faites des plus vils intérêts

Cette haine aveugle nous tue,

Saurons-nous sortir de ses rets

Pour que la France continue !

 

Cette haine aveugle nous tue,

Et cependant, cruels remords

Pour que la France continue

TANT DE BRAVES SOLDATS SONT MORTS !

 

 

 

 

AU GUI L'AN NEUF !

A Monsieur Léon Blum

 

Un an de plus s'achève et s'inscrit dans l'histoire,

Nous laissant le souci d'amortir son passif ;

Pour douze mois tout neufs nous frettons notre esquif,

Repeint d'espoir, comme toujours aléatoire.

 

Nos Maîtres, il est vrai, dans leur laboratoire

Ont forgé cette fois un contrat collectif,

Dûment standardisé, complet, définitif

Qui nous dispensera la joie obligatoire.

 

Les temps sont révolus : ce bonheur dirigé

Vient enfin remplacer l'absurde préjugé

De l'homme simplement heureux dans sa chaumière.

 

Le progrès chaque jour crée un nouveau besoin

Dont la foule aussitôt doit être prisonnière :

Elle exprime sa joie en lui montrant le poing.

Décembre 1936

 

 

 

 

 

1 9 4 0

 

Si nous avions gagné la guerre

Nous avons abîmé la paix,

Et l'espérance de naguère

Avons tout fait pour la saper.

 

Nous avons abîmé la paix,

Laissant préparer d'autres crimes,

Avons tout fait pour la saper

Aux prix de nouvelles victimes.

 

Laissant préparer d'autres crimes

Nous avons détourné les yeux,

Aux prix de nouvelles victimes

Nous avons défié les dieux.

 

Nous avons détourné les yeux

Jouissant dans l'insouciance,

Nous avons défié les dieux,

Qu'ont-ils fait de toi, pauvre France ?

 

Jouissant dans l'insouciance,

Ces tripoteurs, ces députés

Qu'ont-ils fait de toi, pauvre France ?

Où nous eussent-ils rejetés ?

 

Ces tripoteurs, ces députés

Que les démons nous prodiguèrent

Où nous eussent-ils rejetés

SI NOUS AVIONS GAGNE LA GUERRE ?

 

 

 

 

ET MAINTENANT

 

Il faudrait beaucoup de courage

De calme et de ténacité

Pour sortir de ce marécage

Où sombre toute vérité.

 

Nous avions trop d'intelligence

Et de simple bon sens trop peu

C'est de cette riche indigence

Qu'il faut faire aujourd'hui l'aveu.

 

Il est vain d'être trop habile !

Pour défendre tes intérêts

Tu t'es trompé, pauvre imbécile

Tu t'es pris à tes propres rets.

 

C'est à la Vertu qu'il faut croire

A la force de la Vertu

Erreur que de traiter de poire

Le sage qui l'a toujours cru.

Juillet 40

 

En 1942, dans la désolation de nos années d'épreuves, alors que l'envahisseur coupait en deux notre patrie, avant de la piétiner tout entière, jailli des plus intimes profondeurs de nos âmes, un impérieux besoin de rapprochement associait les cités de la "zone libre" et de la "zone occupée" :

Alès, capitale de nos houillères cévenoles, devint marraine de Denain, centre charbonnier des Flandres françaises.

 

Le Maréchal poursuivait...

 

 

 

RESTRICTIONS

 

Le palais a ses goûts, l'estomac son mystère ;

Lorsque chaque matin par le Seigneur conçu

L'appétit me revient il faut le faire taire,

Et c'est tant pis pour moi si je ne l'ai pas su.

 

Le désir de manger s'enfuit, inaperçu,

Quand à défaut de pain, je m'endors, solitaire,

Mieux à deux, elle et moi, c'est là, sur notre terre,

Le plus sûr des bienfaits que nous ayons reçu.

 

J'aurais voulu m'offrir un filet, rouge et tendre :

Sans bons et francs tickets nul ne veut rien entendre

Du murmure de faim élevé sur ses pas.

 

A ce jeûne forcé pour demeurer fidèle,

Et puisqu'il faut dormir je chercherai près d'elle

Le Sommeil et l'Amour, si je ne mange pas !