ESPOIR

 

Si l'avenir n'est à personne

La Foi qui sauve reste en nous,

Chaque fois que le glas résonne

Le malheur nous jette à genoux.

 

Nous croyons, nous prions, miracle !

La douleur s'apaise en nos coeurs.

Au plus mauvais de la débâcle

Se taisent toutes nos rancoeurs.

 

Et c'est l'espérance ! Et sa flamme,

Flamme qui jamais ne s'éteint,

Se ranime au fond de notre âme

Comme le jour, chaque matin.

 

Aujourd'hui la France est meurtrie,

Son sort est celui du vaincu !

Demain elle sera guérie

Car son âme aura survécu.

 

 

 

PARESSE

 

Si je te chante, ô Paresse,

C'est que je suis paresseux ;

Je le suis plein d'allégresse,

C'est un plaisir savoureux !

Dans ce rare et pur bienfait

Des dieux parmi bien peu d'autres

Je goûte un bonheur parfait,

Disciple bien plus qu'apôtre :

Car il est doux de ne rien faire

Rien lorsque majorité

Dans un effort salutaire

S'adonne à l'activité.

Fasse donc que la paresse

Soit toujours tendre maîtresse

Pour une minorité

Dont je suis avec fierté.

 

 

 

CONSCIENCE

 

Ecoute, écoute, ô mon âme,

Les témoins de tes tourments;

Ecoute leurs mots troublants

Mots de louange ou de blâme.

Ecoute les, anonymes,

Qui te parlent sans détour,

Te conduisant tour à tour

Des profondeurs jusqu'aux cimes.

Anges gardiens, conscience,

Chimie ou choc des cerveaux,

Qu'importe ces noms rivaux

De mystique ou de science

Qu'importe s'il reste un doute

Sur ces témoins, sur leurs voix,

Les yeux fermés tu les vois,

Et malgré toi les écoutes.

 

 

 

 

 

DECLARATION

 

Depuis qu'en mal de confidence

J'ai lu ce besoin dans tes yeux

J'ai connu la douce espérance

Et l'émoi d'un coeur anxieux.

Ne peuvent combler tous mes voeux

Ni l'espoir ni la confiance !

J'attendrai les tendres aveux

Que doit mériter ma patience.

 

Le sort réserve sa clémence,

Dit-on, aux seuls audacieux

Et trop souvent l'impertinence

Est un chemin qui mène au cieux.

Je le sais mais je ne le veux,

Je n'aurai pas cette impudence;

C'est un succès respectueux

Que doit mériter ma patience.

 

Je redoute la pénitence

D'un mot ou d'un geste ambitieux,

La honte ou la désespérance

D'un refus acrimonieux.

Et jusqu'à mes derniers cheveux

Sans lasser ma persévérance

Je crois à tes dons fastueux

Que doit mériter ma patience.

 

Envoi

 

Princesse, je suis malheureux.

J'implore pitié dans la transe,

Et ton amour si précieux

Que doit mériter ma patience.

 

 

 

 

 

RESIGNATION

(Deux versions d'un même poème)

I

J'ai laissé pendant trop longtemps

Passer décade sur décade

Et maintenant ma sérénade

N'a plus rien de très éclatant !

Que mon coeur en reste maussade

Et que je n'en sois pas content

C'est inutile il n'est plus temps

Il fallait tenter l'escalade.

Passant décade sur décade

L'attente a duré trop longtemps

Et maintenant ma sérénade

N'a plus rien de compromettant.

Que je n'en sois pas très content

Que mon coeur en reste maussade

C'est inutile, il n'est plus temps :

Il fallait tenter l'escalade.

II

Mais je fus comme un débutant

Ou comme un passif tardigrade

Qui, ridicule, se pommade

Fait la roue et toujours attend !

Son discours n'est que gasconnade

Et si la fortune lui tend

L'échelle il fuit, inconsistant,

Et ne tente pas l'escalade.

Mais je fus comme un tardigrade

Comme un timide débutant,

Qui, ridicule, se pommade

Fait la roue et toujours attend,

Et quand la fortune lui tend

L'échelle sur la palissade

Il fuit craintif, muet, flottant :

Il fallait tenter l'escalade.

III

Regrets superflus et pourtant

Ce n'eut été qu'une glissade

S'abandonner à la passade

Ne dure jamais qu'un instant !

La sagesse me persuade

Que nous fûmes mieux en restant

De simples amis, non obstant,

Le refus de cette escalade.

Ce n'eut été qu'une escapade.

Regrets superflus, et pourtant

S'abandonner à la passade

Fut un plaisir toujours tentant.

Mais n'est-il pas mieux que restant

Simples amis, cette glissade

Demeure un rêve inconsistant ?

Fallait-il tenter l'escalade ?

Envoi

Princesse ô ma tendre oréade

Je garderai tout palpitant

Le souvenir réconfortant

De l'échec de cette escalade

Princesse, trésor palpitant,

O ma charmante camarade,

Ce souvenir est irritant :

Il fallait tenter l'escalade.

 

 

 

 

INVITATION

 

Un de nos jeunes compagnons

Grand, bien bâti, fort beau garçon,

Troubla le coeur d'une Africaine ;

Ce n'était point Anadyomène ;

Ce ne l'avait jamais été.

Soyons juste : ce qui restait

Faisait encor bonne figure.

Or notre ami n'en avait cure,

S'en étant à peine aperçu.

Ce coeur vibrait à son insu.

Il l'apprit par le téléphone

Le lendemain quand la friponne,

L'invitant à prendre le thé

Lui dit : "en toute intimité,"

"Je suis seul dans ma villa."

On croit bien qu'il se défila.

 

 

 

 

 

VOUS M'AVEZ REGARDE !

 

Vous m'avez regardé, Madame,

D'un bref éclair de vos beaux yeux,

Où j'ai vu passer une flamme

Au clignement malicieux.

 

Sur la route, silencieux,

Je flânais, nous nous rencontrâmes,

...Ce fut un choc délicieux.

Vous m'avez regardé, Madame !

 

Jamais attirance de femme

Ne m'avait laissé soucieux,

Mais vous avez troublé mon âme

D'un bref éclair de vos beaux yeux.

 

Je garde un souvenir pieux,

Un souvenir que rien n'entame

De ce regard mystérieux

Où j'ai vu passer une flamme.

 

Dés lors, Madame, je réclame,

Car je suis plus ambitieux,

Toute la suite du programme

Au clignement malicieux.