La rumeur publique avait dit D'une façon presque formelle Qu'il naîtrait cet enfant chéri Quand les petits de l'hirondelle Tout prêts à s'envoler du nid Ouvriraient leurs petites ailes. Et, ma foi, nous avions appris Sans étonnement la nouvelle ! En octobre on avait surpris En effet, qu'on se le rappelle, Des symptômes assez précis. Et bien que cette bagatelle ( Puisqu'on, nomme l'Amour ainsi, ) Préfère la saison nouvelle, En automne on l'a fait aussi ! D'ailleurs qu'il pleuve ou bien qu'il gèle, Qu'on ait chaud ou qu'on soit transi, Quand le dieu Cupidon harcèle Le malheureux qu'il a choisi Qu'il soit consentant ou rebelle, Il faut obéir, étourdi ! C'était donc chose naturelle. En comptant sur nos doigts, des dix Laissant de côté le plus frêle, Nous avions aisément déduit, Sans qu'aucune algèbre s'en mêle, Qu'il naîtrait cet enfant chéri Le jour en France où l'on rappelle Cette Bastille que l'on prît ; Et nous préparions nos ficelles Et nos lampions et nos bougies Pour illuminer avec zèle Pour l'enfant et pour la Patrie. La future maman rebelle A ces calculs, pourtant précis, Les discutait; dans la querelle Je fis un bien triste pari : Si c'est triste que je l'appelle C'est hélas que je le perdis ! "Je me demande", disait-elle, "Ce qui peut vous avoir fourni "Cette certitude formelle "Et ces détails, c'est inouï ! "Avez-vous tenu la chandelle ? "Vous vous trompez mon cher ami : "Vous avancez d'une parcelle "De plusieurs semaines, de six !" Est-ce chose spirituelle : Dites le moi sans parti pris En cette affaire personnelle De vouloir tenter un pari, Même en eût-on la curatelle ? Je sais bien que non aujourd'hui. Revenons à la tourterelle : Elle part avec son mari, Soldat que le devoir appelle Allégrement vers Chambéry. Arrivés en la citadelle ( En vers ne peut-on dire ainsi ? ) Nos deux époux, remplis de zèle, Vêtus de leurs plus beaux habits, Font leur tournée officielle, Reçoivent leurs nouveaux amis, Vont au bal où chacun excelle, Font du sport, peut-être du ski, Oubliant l'enfant que recèle De la mère le sein béni. L'hiver passe, l'oeuvre charnelle Suit son cours, petit à petit. Arrive la saison nouvelle Qui, sans encombre, passe aussi. Mais voilà juin ! L'on se rappelle Qu'il est peut-être temps ici D'abandonner la tarentelle, Théâtres et garden-party, Et de préparer les dentelles Que l'on destine à ce petit. Des raisons, d'ailleurs matérielles, Dont l'effet chaque jour grossit, A l'anxiété maternelle Ajoutent leur poids alourdi. Le médecin que l'on appelle Se montre d'abord imprécis : C'est la méthode habituelle, La meilleure et qui réussit. En cela d'ailleurs il excelle : "Depuis quand cela... et ceci... "Et les nausées... habituelles... "C'est parfait, c'est parfait, j'y suis ! "Mon opinion personnelle "Eh bien Madame la voici : "Vous n'avez pas d'omphalocèle, "De hernie ni d'hydropisie ; "Vous êtes de façon formelle "Enceinte et je le garantis." Et cet Esculape modèle Complète ainsi son diagnostic : "Quand à la date éventuelle "Que choisira notre loustic "Pour sortir de cette chapelle "Où, comme un diable qu'on bénit, "Il s'agite et frappe et martèle, "Ce sera dans un mois d'ici." Le docteur, chose naturelle, Vient souvent et chaque fois dit, Appuyant sur la chanterelle : "Dans vingt jours, dans quinze, dans dix." On nous fait part de la nouvelle, Dans mon coeur je me réjouis. Ah ! pensais-je, ma toute belle, J'ai gagné, je crois, mon pari. Et la présence maternelle Qu'à cette époque l'on convie Pour les précautions rituelles Comme vous pensez, raffermit Plus encore dans ma cervelle La certitude que j'ai mis Dans le mille ! Spirituelle Ironie aux péripéties : Malgré tant de raisons formelles Les jours passèrent et les nuits. L'enfant restait dans sa nacelle Et j'avais perdu mon pari ! Pour le mal de mon escarcelle Le premier septembre il naquît ! La morale n'est pas nouvelle De cette histoire, et la voici : Dans la vie oncques ne te mêle D'émettre un pronostic précis Où la science maternelle Peut se tromper souvent... et puis Mon héroïne était de celles Ne portant pas neuf mois mais dix !
Autre version de la dernière strophe :
Mais j'abuse et toutes les ailes De cette chansonnette en si Lassent votre attention rebelle C'est une scie, assez, assis. Ne craignez rien, la rime en elle A sa fin comme celle en si Il m'en reste une encore ? laquelle ? Je vous la dois et c'est merci ! |
Madame JOANNE
Monsieur CHANDELIER
Madame TISSIER
Monsieur RENARD
Madame CHANDELIER
Monsieur PINON
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Madame BAUBY
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Madame DELCROIX
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Monsieur André LESNE
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Monsieur Jules LANGE
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1925