A ta femme tu donneras Large part de ton traitement, Mais l'emploi en contrôleras Sans en avoir l'air, prudemment. Dans aucun cas tu ne devras Imposer tes vues durement, De ton opinion tu feras La sienne progressivement. Du coeur féminin apprendras A connaître tous les tourments, Mais par ton flair éviteras Que ce soit à ton détriment. De la patience tu mettras Partout infatigablement Et souvent le succès joindras Lorsque tu te croiras perdant.
Tout d'abord tu te souviendras Qu'un Mari est un grand gourmand, Bons repas tu lui serviras Après des hors-d'oeuvres savants. Bien vite tu te convaincras Qu'un homme est naïf constamment, Sans le brusquer le mèneras Par le bout du nez, tendrement. De son orgueil profiteras En le flattant éperdument : Tu verras comme ça rendra Il t'en paiera très largement. Et lorsque tu t'apercevras Qu'il te résiste un peu longtemps, Câline, le caresseras : Un baiser, c'est un argument.
Je pense bien que vous aurez Quelques enfants vifs et charmants, Mais, économes, tâcherez D'en rester à dix, sagement.
|
Au compteur de nos jours les chiffres entassés Vont marquer les vingt ans de notre mariage, Et je crois qu'aujourd'hui je t'aime davantage Qu'au premier jour d'amour, si beau dans le passé.
Chacun de tes baisers, mon amie, est plus doux Que le baiser d'hier. Quoique mon front grisonne, Bien plus qu'au premier jour dans tes bras je frissonne, Et plus qu'au premier jour mon coeur bat comme un fou.
Cette tendresse, ainsi de jour en jour accrue, Fut-elle donc jadis moindre que je l'ai crue ? Et de quelque illusion ai-je pu la grimer ?
Non, non, ce n'est pas plus ardemment que je t'aime ; Mon coeur n'a pas cessé d'être toujours le même ; Je ne t'aime pas plus, mais je sais mieux t'aimer. |
1925
Au rythme du temps, goutte à goutte, Nous avons vu tomber les jours, Et les quarante cinq détours De cette longue et belle route. De ci, de là, allégrement, Nous avons, pour vous faire escorte, Constitué cette cohorte D'enfants et de petits-enfants. Cinq fois notre initiative Personnelle donna le la Qu'un fidèle écho modula Plus tard en quinze récidives. La nouvelle génération A son tour entre dans la lice, Ignorante du maléfice, Confiante en son ambition. Pourquoi pas ? S'il est des jours tristes D'autres sont tissés de bonheur ; Jours de joie et jours de malheur Se succéderont sur la liste. Mais quand on regarde en arrière La chaîne que font les maillons Les plus clairs paraissent plus longs Pourtant si courts quand ils passèrent ! Que vienne l'heure de souffrir Et la douloureuse minute Vaut un siècle quand elle chute ..Et si peu dans le souvenir. Grâce à la divine clémence L'écho de nos enchantements Couvre la voix de nos tourments. C'est ainsi que naît l'espérance ! Et je veux garder cette foi Qu'au seuil même de la vieillesse Un généreux destin me tresse De beaux jours encore avec toi. |
Février 1950
Malgré la longueur de la route Ces soixante ans furent bien courts Incrédule parfois je doute De la fuite de tant de jours.
Ces soixante ans furent bien courts Même en complétant l'analyse De la fuite de tant de jours Et qu'il faut bien qu'on totalise.
Même en complétant l'analyse ! Car c'était en mille neuf cent Et qu'il faut bien qu'on totalise Les vingt ans de notre printemps.
Car c'était en mille neuf cent ! Rappelez vous ces étincelles, Les vingt ans de notre printemps. Vous souvenez-vous, jouvencelles ?
Rappelez vous ces étincelles ! Du fringant polytechnicien Vous souvenez-vous Jouvencelles, De ce conscrit... de cet ancien ?
Du fringant polytechnicien Le temps, vigilant tortionnaire, De ce conscrit, de cet ancien, Vient de faire un octogénaire.
Le temps, vigilant tortionnaire, De cet éphèbe pétulant Vient de faire un octogénaire. Un vénérable au chef branlant.
De cet éphèbe pétulant Que reste-t-il ? Une détresse Un vénérable au chef branlant Tapi dans sa vaine sagesse.
Que reste-il ? Une détresse A ce champion de vétusté, Tapi dans sa vaine sagesse Une impuissante autorité.
A ce champion de vétusté Il reste un coeur; est-ce bravade ? Une impuissante autorité N'empêche qu'il batte chamade.
Il reste un coeur; est-ce bravade ? Que la satire du moqueur N'empêche qu'il batte chamade. Un vieux coeur est toujours un coeur.
Que la satire du moqueur Persifle notre "Belle Epoque" ! Un vieux coeur est toujours un coeur Qui s'échauffe quand on l'évoque.
Persifle notre "Belle Epoque" Insouciante vanité Qui s'échauffe quand on l'évoque. Destin commun, fatalité !
Insouciante vanité, Tout finit et tout recommence Destin commun, fatalité, Illuminés par l'Espérance.
Tout finit et tout recommence, Jusqu'au bout chacun doit tenir, Illuminés par l'Espérance. Croire, espérer, se souvenir !
Jusqu'au bout chacun doit tenir Tant bien que mal, coûte que coûte. Croire, espérer, se souvenir, Malgré la longueur de la route. |
JMG
Autre version des 5 dernières strophes :
Que la satire du moqueur Persifle notre "Belle Epoque" ! Un vieux coeur est toujours un coeur Qui s'exalte quand on l'évoque.
Persifle notre "Belle Epoque" Jeunesse : c'est fatuité Qui s'exalte quand on l'évoque. Destin commun, fatalité !
Jeunesse : c'est fatuité ; Chacun connait la décadence Destin commun, fatalité, Illuminés par l'Espérance.
Chacun connait la décadence, Et jusqu'au bout il faut tenir, Illuminés par l'Espérance : Il faut croire et se souvenir !
Et jusqu'au bout il faut tenir, Tant bien que mal, coûte que coûte. Il faut croire et se souvenir ! Malgré la longueur de la route. |