Le nid détruit

 

Au-dessus de mon lourd sommeil d'homme, il y a le sommeil léger des oiseaux, et, chaque matin je suis éveillé par des frissons d'ailes. Je me souviens d'une hirondelle au printemps de 1915, dans un village que coupaient nos tranchées à deux pas de notre cave sous un toit encore intact.

Un matin qu'elle était sortie, un obus écrasa la maison et enleva le nid.

Lorsqu'elle revint, elle me vit et m'accusant sans doute du désastre, elle se mit à pépier vers moi de furieuses malédictions. Je sais que j'étais affreusement gêné d'être là, devant cette colère, sans pouvoir me défendre et que j'avais envie de crier : "ce n'est pas moi, je te jure que ce n'est pas moi."

 

 

 

 

 

Réflexions

 

Ce qui me choque et parfois m'indigne c'est la démesure qui révolutionne; la soif de faire neuf, fût-ce déraisonnable : excès qui payent leur vanité par les tâtonnements, réformes et contre-réformes qui s'ensuivent; c'est ce besoin d'aller de l'avant, toujours plus fort, toujours plus vite, sans prendre le temps de réfléchir; c'est l'abus subtil du mensonge avant de mettre à nu la vérité; c'est l'ingratitude et l'irrévérence pour le passé, responsable sans doute de ses erreurs, mais artisan surtout de beautés impérissables dans l'ordre matériel et dans l'ordre moral; c'est l'erreur de sacrifier le présent à l'avenir; pire qu'erreur, c'est trahison.

Et qui donc peut se dire assurément posséder la vérité toute entière ? Existe-t-elle à l'état pur ?

Soyons modestes, elle n'est peut-être pas là où nous la plaçons; restons attentifs à la contradiction qui sans nous convaincre nous éclaire.

Tout le monde peut se tromper, nous aussi bien que les autres.