A Monsieur Pierre Chandelier
Assurer des cailloux le renivellement, Rétablir avec soins leur harmonie détruite, Ratisser en un mot est un plaisir charmant Qui ne vous donnera jamais de méningite. Mais il est malaisé de très bien ratisser ; Ce n'est pas sans effort qu'on peut y passer maître, Et seul l'ignorantin pourrait rapetisser Cet art si délicat, où l'oeil du géomètre Doit savoir s'allier au tact le plus parfait. Vous ne le croyez pas, essayez, c'est un fait. Quand on passe près des Lampottes On entend le râteau qui frotte Et s'escrime soir et matin A repousser hors du jardin Ces tas de vieilles feuilles mortes Qui reviennent, mais il n'importe
Quand on a bien peiné et qu'on a mal aux reins D'avoir ratissé tant et tant avec entrain, On s'en va rechercher les plaisirs plus tranquilles De bridges reposants mais non moins difficiles, Auxquels on se complaît avec la même ardeur Et la même maîtrise et le même bonheur, Avec le même esprit de constante offensive ; Et les argents, les ors de tous ces capucins, Dont la témérité peut paraître naïve Sont ratissés comme les cailloux du jardin. Quand on vient à la cabirotte C'est un autre râteau qui frotte Et ramène hors du molleton Les fafiots, les ducatons ; Et cependant qu'on fait l'impasse Agréablement le temps passe :
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Madame, ces coupes que gèle La pétillante mousse d'or, Revigoreuse de qui dort Aux moins zélés donneuse d'ailes, En votre honneur, d'un même geste De sympathie nous les levons, Et d'un seul trait nous les vidons ! Une dernière goutte y reste... Cette goutte, j'en fais l'offrande Au destin. Qu'il vous soit clément ! Qu'il conserve toujours charmant Votre sourire ! Qu'il répande Sur tous les vôtres ses bienfaits ! Et qu'à chacun de vos convives Avec le Nouvel An arrive Une ère de bonheur parfait. |
Ce crabe, charmante Eurydice, Dans ta chair rose mord, grivois, Et mon coeur se tord en hélice En entendant tes cris d'effroi. Crierais-tu moins si c'était moi ? Plût au ciel que cela se puisse ! Mais pourquoi faut-il que ce soit Ce crabe qui pince ta cuisse ?
C'est qu'il y va fort le jocrisse En manoeuvrant son casse-noix ! S'il prend goût à cet exercice Et s'il serre plus qu'il ne doit, C'est qu'en mordant le plaisir croît Quand on mord dans ce satin lisse ; Il en demeure tout pantois Ce crabe qui pince ta cuisse.
Tu redoutes le préjudice Que te causera cet exploit ; Tu vois déjà la cicatrice Que va laisser ce maladroit. Mais est-il meilleur endroit ? C'est la place le plus propice, Et je ne puis blâmer, ma foi, Ce crabe qui pince ta cuisse.
Princesse, comprends mon émoi, Sois pitoyable à mon supplice : Je suis jaloux lorsque je vois Ce crabe qui pince ta cuisse. |
Décembre 1917
Vous fuyez, tremblante Eurydice, Et vous poussez des cris d'effroi Qu'on entend jusqu'à Saint Sulpice ! Vous êtes en piteux arroi. Crieriez-vous moins si c'était moi ? Plût au ciel que cela se puisse ! Vous préférez, je le conçois, Qu'un crabe vous pince la cuisse !
C'est qu'il y va fort ce jocrisse ! Et je l'excuse, par ma foi ! S'il prend goût à cet exercice Et s'il serre plus qu'il ne doit, C'est qu'en mordant le désir croît Quand on mord dans ce satin lisse ! Et vous vous demandez pourquoi Ce crabe vous pince la cuisse.
Vous redoutez le préjudice Que vous causera cet exploit ! Et vous craignez la cicatrice Qu'y laissera ce maladroit. Voyez-vous un meilleur endroit ? Cette place est la plus propice Et l'on ne peut blâmer le choix Du crabe qui pince la cuisse !
Prince, partage mon émoi; Et compatis à mon supplice : Je suis jaloux lorsque je vois Ce crabe qui pince ta cuisse. |
29 juillet 1919
Les corsets n'ont plus de baleine Et les enfers plus de Pluton Les jours-de-l'an plus de carton Et les lampes bien des phalènes !
Les flics conservent leur bâton Et les soldats leur mousqueton !
Et jusqu'à ma dernière haleine, Je vous aimerai, Madeleine ! |
Vieux et pauvre jardin, sentiers endoloris, Que la ronce a vaincus et qu'elle martyrise, Pauvre jardin perdu, tout effort de reprise Désormais serait vain, ne l'as-tu pas compris ?
La nature a voulu pourtant qu'en ces débris Quelque chose de pur résistât à l'emprise De ces mauvais chardons, et nous faire la surprise D'y conserver un pied de myosotis fleuris.
Toutes petites fleurs dont les claires lumières Evoquent l'innocence et la fraîcheur premières Dans la désolation de ce jardin lépreux.
Ainsi, dans un vieux coeur, usé par la souffrance, Lui faisant oublier son déclin douloureux, La petite fleur bleue entretient l'Espérance. |
Août 1934