Quand vous entr'ouvrez, Célimène, La cage où vos charmants appas Sont blottis, vous n'ignorez pas Le risque de ce geste amène.
Cette gorge aux lignes si pures Evoque deux plaisants boutons, Deux cerises tendres ou dures, Disons, plus crûment vos tétons.
Ce mot, qui choque vos oreilles, Soit pour être un peu trop précis, Soit pour les ardeurs qu'il éveille, J'ai plaisir à le dire ici.
Sans saveur, comme la guimauve, Au souvenir du nourrisson, Mais lorsque je pense à l'alcôve, Suave et même polisson.
Il est doux et ferme à ma bouche Qu'il mignote comme un fondant, Et pendant qu'il vous effarouche Je crois qu'il flâne sous ma dent.
Je crois que ma lèvre le presse Et qu'il palpite, libertin, Tantôt fuyant sous ma caresse, Tantôt se prêtant au festin.
Mais ma lèvre devient gourmande, Son émoi se fait indiscret Et de la colline à la lande Elle glisse vers la forêt.
Au souvenir de son audace Je ne sais ce qui vaut le mieux : En rougir, me voilant la face, La revivre en fermant les yeux.
Dans mon rêve, (un rêve va vite) Hardiment je prends le chemin Que dans l'ombre à suivre on m'invite De la voix comme de la main.
De ce beau rêve, Célimène, Qui tout chaud vient d'être évoqué, Je m'éveille... soyez humaine ! C'est vous qui l'avez provoqué. |
1910 - 1950
Tu m'as donné ton âme avec tant de ferveur Que mon âme, en retour fut à toi sans contrainte. Tu m'as donné tes mains, leurs frémissantes étreintes Fut ta première et douce et troublante faveur.
Tu m'as donné tes yeux, leur calme et leur candeur Ont pesé sur les miens et marqué leur empreinte. Dans l'émoi de tes sens, dans un élan sans crainte Tu m'as donné ta lèvre et prouvé ton ardeur.
Tu m'as donné ton corps, et contre ma poitrine J'ai meurtri de tes seins la pureté divine Ecrasant avec eux tes suprêmes pudeur.
Alors gonflé d'orgueil, j'allais, l'âme ravie, Au rythme de l'effort, par de brèves splendeurs, Fondre et m'anéantir dans les sources de Vie. |
Aux impudiques Aux trop nus
Au temps hélas lointain où nous avions vingt ans Nous pouvions admirer la courbe d'une oreille, Le dessin d'une main potelée à merveille Aux jours fastes mollets fugitifs et tentants.
Et ces modestes dons étaient très excitants. Notre coeur émoussé d'aujourd'hui s'émerveille D'avoir connu l'extase à fortune pareille Et d'en avoir conçu des espoirs palpitants.
A présent c'est un sein, une cuisse, un vallon Plus ou moins épilé, quelque double melon Qu'on offre à nos regards innocents et stupides.
Ces appâts quelquefois de grâce dépourvus Ne sont plus dans nos mains que hochets insipides Dont nous sommes déçus pour les avoir trop vus. |
Aux trop chenus Aux dyspepsiques
Ils sont, dis-tu, trop nus et bons pour des goujats ! Ne serait-ce plutôt, si plus rien ne te tente Que tel un vieux ressort tu n'as plus de détente ? Et c'est pour te venger que tu nous fustigeas.
Ces creux et ces rondeurs que tu dévisageas Qui mettent en fureur ta vertu mécontente Ne les regarde pas et reste sous ta tente C'est bénévolement que tu t'en affligeas.
Certes on voit des excès : ce sein mélancolique N'est pas plus beau que ce fessier microscopique ! Mais ici quelle grâce et là quelle gaîté !
Il est vain de vouloir jouer les bons apôtres Ou se faire censeur quand on est retraité : Si tu n'aimes pas ça, n'en prive pas les autres. |
O Maître ! n'étais-tu qu'expert en Analyse ? On pouvait en douter en te voyant plancher : Acrobate, jamais qu'on ne vit trébucher ! Ce double souvenir en nos coeur rivalise.
Mais tu restes surtout celui qu'immortalise Au redoutable abstrait l'art de nous attacher. Nous t'avons écouté, presque tous, sans broncher, Bien qu'aujourd'hui, croit-on, seul l'élu te relise.
Tout obstacle devant ton argument croulait ; Ton cours majestueux, limpide, s'écoulait Vers l'hermétique enclos des différentielles.
Eblouis, nous montions, sans nous apercevoir Que tu nous enlevais, tout puissant, sur tes ailes, Et qu'avoir bien compris, ce n'est pas bien savoir ! |
1950