A Ginette Wilz
Dans ce petit étui qu'on nomme "tentation" (L'idoine me l'a dit) tu trouveras, Ginette, Ces inutilités qu'il faut, par précaution, Avoir toujours sur soi, poudre, fard, cigarette, Et caetera; car rien ne fut plus "nécessaire" En tous les temps que ce qui ne sert à rien : C'est pour cela qu'on le nommait ainsi naguère ; Mais "tentation", ma foi, convient aussi fort bien. On est tenté quand on le voit, et quand on l'a On doit être tenté de s'en servir sans cesse. Mets le dans ton tiroir avec maint falbala En attendant qu'un temps meilleur bientôt renaisse ! |
Comme le bouton clos d'une future rose Pudique tu retiens les parfums de ton coeur. Mais vienne un peu d'Amour ou de soleil vainqueur, Voici ton coeur ouvert, voici la fleur éclose. |
Juin 1934
A Madame R. Blanc
On me l'avait donné, vous me l'avez rendu ! Alors que j'avais cru qu'il était bien perdu. Il avait tant de fois, ce léger porte-mine Eclairci ma pensée avec sa pointe fine, Exprimé mes soucis, sévères ou pervers, Tristes ou gais, sombres ou claires, proses ou vers, Que nous nous aimions bien ! Votre sollicitude Nous a fait retrouver : de notre gratitude Daignez, chère Madame, agréer l'expression Reconnaissante, et notre acte de contrition. Vous prîtes soin de lui; comme un objet fragile Il fut enveloppé par votre main agile, Papier fin, carton fort, puis noué d'un cordon. Et dédaigneuse enfin du prix que cela coste Affectueusement le mîtes à la poste ! Pour tant de mal je veux vous demander pardon. Et j'ajoute un aveu : car mon attachement Pour ce bon serviteur, épris de dévouement, S'est accru depuis lors, puisqu'en son infortune, S'il vous a fait subir sa présence importune, Il eut le grand bonheur de vivre auprès de vous, Et cela, croyez le, fera bien des jaloux. |
Un mot nouveau (c'est la mode) Est employé fréquemment Sans qu'on sache trop comment Ni pourquoi; mais ma méthode Va pouvoir vous expliquer Comment il faut appliquer Avec l'art le plus subtil Le mot sex-appeal.
Lorsqu'une voix sympathique Prodigue de son babil Fait dresser ton acoustique C'est du sex-appeal !
Qu'un regard incendiaire, Mitrailleur comme un fusil, Fasse lever ta paupière, C'est du sex-appeal !
Lorsqu'à des senteurs câlines Se gonflent comme un baril Les ailes de tes narines, C'est du sex-appeal !
Quand une fraîche lorette Croisant un fier alguazil En reste bée et muette, C'est du sex-appeal !
Qu'en autobus se trémousse Comme Laurent sur le gril Petite dame qui glousse, C'est du sex-appeal !
Quand le coeur bat la chamade Comme devant un péril Attention ! pas de bravade, C'est du sex-appeal !
Sache par cette doctrine Déceler l'ordre viril Ou la source féminine De tout sex-appeal.
Observe tous les indices Jusques aux plus puérils, Consulte cette notice Et de tout sex-appeal,
Tu pourras juger la forme, L'intensité, le profil, Et sauras par surcroît avant qu'il ne s'endorme Utiliser au mieux ton propre sex-appeal. |
Quel joli métier que celui d'hôtesse Quand on le remplit le sourire aux yeux : Un mot pour chacun dit avec adresse, Suffit à créer un climat joyeux.
Ce n'est pourtant pas un métier facile D'avoir à soigner et sans contretemps Filialement le monsieur sénile, Maternellement les petits enfants.
Il faut être aussi quelque peu savante, Dans chaque secteur tenir un filin Pour pouvoir donner, sans être pédante, Réponse au client, rarement malin.
Et parfois il faut avoir le courage D'aller au suprême renoncement En gravant son nom sur la belle page, Sans ostentation, héroïquement. |
Décembre 1948
Vous avez une blouse claire, Réplique à la fleur du matin ; Est-ce son feu qui vous éclaire Ou par vous que luit son satin ? C'est cette seconde hypothèse Que je retiens; en vérité, Puisque tous vos atours nous plaisent C'est que c'est vous qui les flattez. |