PASSE, PRESENT ET AVENIR

 

Tourner un feuillet n'est pas l'effacer,

Nous vous relirons, pages captivantes,

Tout en dévidant les heures suivantes.

Ce qui compte, c'est le passé.

 

Est-il cependant de plaisir plus pur

Que celui de vivre dans l'espérance

D'un avenir plein de munificence ?

Ce qui compte, c'est le futur.

 

Qu'on ait soixante ans ou qu'on ait seize ans,

Les instants passés, les instants qui suivent

Ne vaudront jamais les heures qui vivent.

Ce qui compte, c'est le présent.

 

 

 

 

 

SYMPHONIE BLANCHE

A Mlle L.C. Briançon 1937

 

Vous glissiez sur la piste blanche,

Printanière comme une fleur,

Rose et lis, violette et pervenche,

Vous glissiez sur la piste blanche,

Vous avez entraîné son coeur.

 

Prise dans les spirales blanches

Aux reflets bleutés du Vizir

Comme un avion dans les branches,

Prise dans les spirales blanches

Vous n'avez pu vous ressaisir.

 

Ce fut alors de deux voix blanches

Entre deux glissades en skis,

Sur le bois de ces frêles planches,

Ce fut alors de deux voix blanches

Que l'accord sacré fut acquis.

 

De la première page blanche

Du grand livre des amoureux

Sur lequel votre aveu se penche

De la première page blanche

A l'ultime soyez heureux !

 

 

 

 

 

 

 

 

SYMPHONIE BLANCHE

A Françoise et Georges Wilz 20 mai 1944

 

Vous glissiez sur la piste blanche,

Subjugués par l'élan vainqueur ;

Rose et lis, violette et pervenche,

Vous glissiez sur la piste blanche,

Vous avez entraîné son coeur.

 

Jusqu'au fond de votre âme blanche

Il a plongé son regard noir

Semant l'émoi d'une avalanche

Jusqu'au fond de votre âme blanche

Où bientôt levait un espoir.

 

Ce fut alors de deux voix blanches,

Dans l'ivresse d'un trouble exquis,

Sur le bois de vos frêles planches,

Ce fut alors de deux voix blanches

Que l'accord sacré fut acquis.

 

Sur la première page blanche

Du grand livre des amoureux

Vous signez : l'avenir s'enclenche !

De la première page blanche

A l'ultime soyez heureux.

 

 

 

 

 

DEPIT

 

 

D'un amour aussi vif que lentement conçu,

Je vous aimais, Emma, et n'en fis pas mystère.

Comment aurais-je pu, discrètement, le taire,

Puisqu'aussi bien que vous la foule l'avait su.

 

Si malgré tant d'efforts il fut inaperçu

De votre indifférence, où, pauvre et solitaire

J'ai puisé le dédain des biens de cette terre,

C'est que vous avez trop donné, moi rien reçu.

 

Au lieu d'une existence à deux, facile et tendre,

Vous avez préféré jamais ne rien entendre

Et fuir, persévérante, au seul bruit de mes pas.

 

Malgré ces déceptions, je vous serai fidèle,

Et quand, ouï votre nom, je penserai : c'est elle,

Je me mordrai les poings et ne pleurerai pas !

 

 

 

 

 

EN ALSACE !

G.P.X Pentecôte 1936

 

Puisque nous avons pu dans la félicité

Oublier pour trois jours les soucis lourds de l'heure,

Avant que de rentrer chacun dans sa demeure

De ces moments heureux fixons la qualité.

 

Elle est faite avant tout de cette affinité

Qui, malgré les jaloux obstinés qu'elle écoeure,

Brave la calomnie et n'est jamais un leurre

En toute indépendance et rare égalité.

 

Son charme s'affirmait dans notre vieille Alsace

Au flanc de ses ballons, par ses bourgs d'où la trace

Du conquérant vaincu disparut sans effort.

 

Et là nous retrouvions la vigueur d'une race

Au coeur si près de nous, si fidèle et si fort !

Comment n'y pas trouver trop court le temps qui passe ?

 

 

 

 

 

 

LE CERF-VOLANT A TROIS FICELLES

 

Ballade en l'honneur du Maître qui, sur la plage,

à l'admiration des fervents de ce sport délicat,

pilotait magnifiquement un cerf-volant à trois ficelles.

 

Bien assis sur ses toiles frêles,

Fermement porté par le vent,

Il s'envolait à tire d'ailes,

Cet intrépide cerf-volant.

Du sud ou du nord s'enlevant,

Stable comme les hirondelles,

Il était fier presque insolent !

Mais c'est qu'il avait trois ficelles !

 

Chaque oeil visant l'une d'entr'elles,

Chaque main l'un des brins filant,

Le pilote, rouge de zèle,

S'excitait sur son truc savant.

A la dérobée épiant,

Il scrutait l'effet sur les belles

Baigneuses au nu captivant.

Mais c'est qu'il avait trois ficelles !

 

Il en contrôlait deux d'icelles,

Les combinant avec talent,

Mais la troisième, sans tutelle,

Folâtrait un peu, brimbalant.

Ce fut le motif désolant

D'un belle chute en chandelle,

Tel un modeste unifilant !

Mais c'est qu'il avait trois ficelles !

 

Envoi

 

Prince, songez dorénavant

Que dans l'art même où l'on excelle

L'excès est parfois décevant.

Mais c'est qu'il avait trois ficelles !

Août 1945